1. QUITTER LE CONNU
Ils se recroquevillent pour se mettre en position fœtale. Quand ça ne va pas, on fait ça sans y penser.
Ils ont faim.
Ils peuvent demeurer quelques jours sans manger mais pas une semaine. Là, ils ont vraiment trop faim.
Le chef de horde se lève, prend son air « laissez-moi réfléchir, je crois connaître la solution » : il faut changer de territoire. Quitter les zones connues, mais pour aller où ?
Le chef, plus haute instance hiérarchique de la horde, fait semblant de humer l’air comme s’il repérait des relents remplis d’informations. Il ferme les yeux pour bien se pénétrer de la réponse et désigne une direction. Le nord. Là où l’on prétend que les montagnes grouillent de gibier.
Les femelles approuvent. Elles estiment de toute façon le nouveau nid trop petit pour accueillir leur future progéniture. Les vieux sont plus sceptiques. Ils disent qu’au nord il fait plus froid, mais à eux on ne demande pas leur avis.
On décide de partir. Tout le monde se lève et reprend espoir. Les malades et les blessés promettent qu’ils ne ralentiront pas la troupe. Ils sont donc tolérés au sein de la horde.
Peu à peu, la cohorte des sans-bagages se met en rang de marche vers le nord.
Comme ils vont devoir traverser à découvert de grandes distances, ils se placent naturellement en position de migration. Le chef de horde à l’avant, les mâles dominants sur les flancs, les malades à l’arrière afin de ralentir les prédateurs.
Ils marchent dans la plaine.
IL lève la tête. Au-dessus d’eux, un immense vol de flamants roses fonce dans la même direction. C’est très beau. Cela ressemble à un éparpillement de fleurs dans le ciel. Les flamants roses étendent leurs larges ailes aux bords soulignés d’un trait noir.
IL lève au maximum la tête tout en continuant de marcher. Son cou lui fait mal, il ne cesse d’observer les oiseaux. Il se demande comment eux les voient depuis ces altitudes lointaines.